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À LA HACHE

— Vous devez avoir de nombreux petits-enfants ?…

— Cinquante-deux… Pas vrai, la mère ?… Mme Valade opine de la tête. Puis elle se lève et réchauffe notre thé.

Valade continue son récit :

— Après avoir défriché mon lot à Chenéville, je l’ai donné au plus vieux et m’en suis v’nu icite… Y a trente-cinq ans que j’reste sur mon île… On a été heureux en plein… Demandez à ma Catherine ?…

La petite vieille, quelque peu gênée de se voir ainsi en lumière, déclare avec lenteur :

— C’était un peu dur, des fois, surtout quand le vieux partait pour la chasse avec les grands… Je restais seule, entourée de braillards… Chaque jour je r’gardais par la fenêtre, afin de voir la poudrerie qui sautait comme ane folle sus l’lac… Pis, y fallait toujours du linge neuf pour les nouveaux baptêmes… Et lorsque Clément r’venait, il me regardait, et paraissait si content, que j’en étions heureuse, moé aussi…

L’époux donne une tape amicale sur le dos de sa femme et ajoute.

— Mais ça t’a payé, la mère… Avec mes chasses on pourra laisser du bien aux enfants… Et nos vieux jours, on les passera icitte, avec du chauffage, de la mangeaille et de la joie…