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À LA HACHE

les mouches noires, qui, non contentes de vous mordre, enlèvent, en bacchantes, des parcelles de la peau.

Je m’allonge près de lui, sur la lourde masse tressée, aux longueurs souples comme de la « tire », et offrant tout le confort d’un large fauteuil. Devant nous, les poules d’eau s’agitent dans la baie. Elles tambourinent la surface du lac, avec leurs ailes, et appellent la pluie. Un huard lance, de temps à autre, son cri majestueux.

Solitaire de nos grandes nappes d’eau, le petit cygne bleu canadien, à gorge tachetée noir et blanc, a pour mission d’avertir les bêtes de la présence de l’homme. S’il vous aperçoit au détour d’une pointe, à l’entrée d’une rivière, vite son clairon de chair dénonce le danger. Et, maintes fois, les chevreuils, ours, orignaux ont échappé aux balles du chasseur, grâce à cette sentinelle. Rien de plus affolant, au cours des nuits sombres, que ces appels, amollis par la brume, et se portant, de lac en lac, avec la monotonie d’une sirène invisible.

Le fumeur m’offre sa blague en peau de chat, « repassée » par lui.

— C’est du rôdeux, récolté sus ma terre, dans l’comté d’Joliette… Pis quand j’tire, j’aime à m’rappeler ma bonne vieille paroisse…