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UNE CHASSE À L’ORIGNAL

Des cailloux tombent dans l’eau. Valade me fait un signe rapide.

— Bang… Bang…

Effort inutile vers nous. Râles maintenant plaintifs. L’orignal se relève encore sur les jambes d’arrière. Elles mollissent soudain.

Et le roi de la forêt laurentienne jette à l’écho son dernier appel, trahi par les convoitises humaines.

La masse de 2,100 livres s’écrase dans le sable rougi. Une des cornes touche aux vagues.

Nous sautons dans le canot. Les balles ont bien porté, mais la mort doit attendre quelques secondes encore. Le mourant laboure le sol gelé de ses pattes puissantes, en soubresauts. Étendu sur le côté, la respiration s’alanguit pour reprendre plus forte, par saccades. Les beaux yeux fixent désespérément le soleil. Les poils hérissés du dos retombent peu à peu. Des frissons secouent la toison épaisse. Une dernière bouffée de sang. La tête lourde essaie d’aller quand même vers la vie. Le souffle ne jette plus qu’une buée rose. Râle suprême, la langue pend, il expire.

Jamais je n’oublierai ces prunelles ouvertes, redevenues douces dans la mort. Beaux œufs bruns, presque noirs, roulés dans du vernis.

La victime est ouverte, écartelée, dépecée.