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LE TESTAMENT DE JOSEPH LAURENCE

qui restera jusqu’à la fin des temps dans ma poussière, alors même qu’y en arait pas assez pour faire un pet de mouche. C’est là mon programme. Et vous m’refuserez pas ça. Pis j’le veux à la machine à tricoter. Dieu, que j’sus bête ! Pas tricoter, mais typriter.

Laurence se rassoit et écrase de son pouce une mouche à vers, ranimée par le feu de la « truie » et commençant à bourdonner sur la vitre.

Conscient que je suis pour accomplir un des gestes les plus beaux de toute mon existence, j’allume les trois autres lampes des murs, je nettoie mon dactylographe et m’installe, prenant le plus beau papier de luxe, à moi, et dont je me sers uniquement pour écrire à mes fils, ma fille, ma femme et ma mère.

— Je suis à vos ordres, monsieur Laurence.

Le roi s’approche. Il tire un livret de sa poche, l’ouvre. J’y vois des zéros, des chiffres, des barres, des carrés.

Il me déclare, sérieux et convaincu :

— V’là mon questionnaire. J’ai mon alphabet à moé, vous savez. Quelques notes pour la mémoire. Écrivez ça dans l’ton. Pas com’ j’parle, mais sans fautes, à la française. Parlez le document du lac Clair. Y verront, les p’tits gars, si j’meurs tout d’un coup, que l’pére a pensé à