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UN FEU DE FORÊT

Valade est agenouillée sur la rive, en face du petit Jésus en cire posé sur une souche d’érable.

La furie approche. Des écorces entières de bouleaux, arrachées par la chaleur, s’enflamment au loin, et volent, grands oiseaux de l’Apocalypse, de sommet en sommet. Le feu rampe dans le terroir sec. Il saute, se colle aux bosquets. Les troncs des merisiers fusent leurs teintes de chair dans le néant. Les feuilles se recroquevillent comme de la peau cuite. Les branches secouent une dernière attaque de sève. Puis la cendre noire et brûlante de la mort couvre et envahit tout. La terre tremble. Un roulement continu emplit le ciel et la brousse. La mer de feu déferle de vallon en vallon. Elle arrive, elle passe…

Nous sommes protégés de la fumée par un vent favorable qui la repousse dans le brasier. L’hécatombe de clartés roulantes frôle la rive opposée de l’île, distante d’un mille à peine.

Spectacle terrible, inoubliable. Dernières transes d’un monde qui meurt. Des géants centenaires, après s’être moqués de la foudre ; après avoir secoué les giboulées cinglantes de leurs chevelures ; après avoir supporté des milliers de nids, tombent, anéantis par cette mort volatile. Les chênes, les ormes, se tordent. Les pins ouverts pétillent. Les sapins, les épinettes, coupent