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À LA HACHE

Les arbres beaux, élancés sur chaque rive, ouvrent une voie triomphale. Une lumière curieuse flotte et possède tous les recoins. La rosée sèche lentement, et imite des larmes. Elle colle son nectar sur les fleurs et les feuilles, donnant son éclat aux rayons. En confrérie, les framboisiers commencent à saigner. Par eux la nature offre son amour aux humains et colore leurs fruits avec la sève des cœurs.

De temps à autre, un billot solitaire descend vers sa destinée. Paisible, il coule au fil des heures. Alouettes et pluviers invitent l’aurore, attentifs et ravis, sur son dos bosselé.

Des clapotements apeurés secouent parfois les roseaux. Une biche y ouvre des yeux surpris, boit, s’admire, se dandine en coquette, et fuse retrouver son petit ou son mâle.

Arrivée au lac d’Argie. Trois milles consécutifs où la rivière élargit ses grèves, afin de les rendre plus belles. Seule, la végétation de bouleaux autorise l’onde à reproduire ses images. L’esquif passe dans un amoncellement de marbres tombés. Son sillage jette des dentelles aux nombreux corps blancs de la rive. L’air est réchauffé. Les arbres bruissent. C’est un caquetage invitant et je regrette presque de ne pas être oiseau…