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À LA HACHE

Alerte. Arrêt subit.

Notre bête tend les pattes, se cabre. Elle renâcle, tête au vent. Ses oreilles pointent. En face, à 20 pas, un superbe orignal fait de même. Les poils de son dos se raidissent, droits. Les cornes, complètes, mais molles encore, s’agitent comme des guénilles. Les naseaux, deux trous roses, grondent. Le roi fauve ouvre le sol d’un sabot tranchant, puis s’enlève tout d’un trait, se jette de côté. Il est disparu. Les sous-bois se fendent devant nous. Une charrue, 2,000 livres de chairs et de muscles, laboure sa liberté, furieusement, vers la montagne.

Enfin ! Arrivée au campement, dans un brûlé. Douze tentes brillent. Du soleil en conserve. Un ruisselet se déroule, telle une pièce de mousseline mauve, sur le sol durci.

Une volée d’outardes survole le tout, escadrille triangulaire, à l’attaque du midi chaud…

***

La rivière du Long gonfle depuis quinze heures. Avec elle se déploie davantage, sur des rives basses, la lumière matinale qui s’accroche au flot débordant.

Ferdinand Boisvert me conduit sur un cap éloigné dominant le panorama. À mes pieds, le rapide du Tonnerre qui, sur une longueur d’un