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la norvège et l’union avec la suède

Ces crises devinrent excessivement violentes en 1895, mais ce qui se passa alors montre clairement à quel point les Norvégiens se liaient aveuglément à la fraternité suédoise, et comme ils croyaient peu qu’une rupture violente pût venir de ce côté. Dans son insouciante bonhomie, le peuple norvégien avait oublié peu à peu les avertissements venus de Suède ; sous l’influence de théories pacifistes, par trop idéalistes, il avait absolument négligé le soin de sa défense, et nous étions en 1895 aussi peu armés que la Suède l’avait été en 1864, lorsqu’il s’était agi d’aider le Danemark dans la guerre contre la Prusse.

Notre état de faiblesse fut une tentation trop forte pour le parti suédois des hobereaux ; pendant que s’envenimait la question des consulats le parti « grand suédois » préparait avec l’aide du ministre de la défense, une invasion de la Norvège ; il voulait ainsi accélérer la révision « forcée » qui tendait à un remaniement complet de la Constitution norvégienne et de l’Union[1] ; c’était quelque chose de tout à fait analogue au plan que Charles-Jean avait conçu en 1821.

Ce projet fut, à la vérité, réduit à néant par l’opinion éclairée de la Suède, mais tout homme jugeant avec sa seule conscience, ne

  1. Dans son article du Times (Ier avril 1905), où le Dr  Sven Hedin attaque mon exposition des litiges unionnels, il est obligé de reconnaître qu’une tendance à la révision forcée se manifestait réellement çà et là, chez nous (c’est-à-dire en Suède), en 1895.