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le traité de kiel et la genèse de l’union

À beaucoup d’égards, l’armée suédoise était nettement supérieure à son ennemie, mais la Norvège, de par sa configuration naturelle, pouvait facilement se défendre, et l’histoire de l’Espagne lui avait appris jusqu’où peut aller la résistance d’un peuple de montagnards, lorsqu’on le pousse à ses dernières extrémités ; de plus, les finances de l’État suédois étaient dans un état si précaire qu’une campagne de quelques mois l’eût mis complètement à bout de ressources. Enfin, l’attitude adoptée par les grandes puissances n’était nullement aussi favorable à la Suède qu’il eût été désirable pour elle. À cet égard, les Norvégiens croyaient la situation plus mauvaise qu’elle ne l’était réellement ; ce qu’ils redoutaient par-dessus tout, c’était le blocus des côtes de Norvège par les Anglais, blocus qui eût immédiatement empêché toute importation ; et cependant lord Castlereagh avait, même avant le début de la guerre, décidé que rien de plus ne serait fait pour aider le prince Bernadotte.

Si les Norvégiens avaient été au courant de ce fait, s’ils avaient eu la certitude que le blocus n’était pas à craindre, ils n’auraient très certainement consenti à aucune suspension d’armes. Pour les grandes puissances, et surtout pour le congrès de Vienne, qui allait s’ouvrir, il était donc, comme Charles-Jean l’écrivait lui-même[1], « de toute nécessité que l’affaire de

  1. Trolle Wachtmeister : Anteckninger och Minnen. Stockholm, vol. ii, p. 9.