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de norvège en islande. — l’écosse et les ferö.

dans la banquise une ouverture qui nous permettrait d’atteindre la côte, nous poursuivîmes notre route vers le nord. Cette tentative demeura sans résultat : partout nous nous heurtâmes à une nappe de glace impénétrable. Les équipages de plusieurs voiliers rencontrés dans ces parages nous racontèrent que la banquise s’étendait très loin vers le nord.

Le 16 mai au matin, la Thyra essaye de nouveau d’atteindre la coteau large du Berufjord ; à 20 milles de terre, la route lui est fermée par les glaces. Dans ces conditions il ne nous reste qu’à faire route au sud et à suivre la côte d’Islande. Vers le soir nous passons devant l’Oræfajökull, la plus haute montagne de l’Islande ; elle s’élève à pic à environ 2000 mètres, paysage particulièrement grandiose avec les neiges empourprées par les rayons du soleil descendant dans la mer.

L’Oræfajökull est situé dans la partie méridionale du Vatnajökull, le plus vaste glacier de l’Islande et même des terres arctiques après l’inlandsis du Grönland. C’est un ancien volcan. Depuis l’arrivée des Normands en Islande il n’a eu qu’un petit nombre d’éruptions, néanmoins il a causé d’importants dégâts[1]. Au milieu du xive siècle il dévasta deux paroisses ; d’après l’ouvrage de Thorvaldur Thoroddsen, Lysing Islands, il détruisit tout le Litlahérad. Quarante fermes furent anéanties et un grand nombre d’indigènes périrent dans le désastre. Le volcan rejeta une telle quantité de pierres et de sables, qu’une grève se forma à un endroit où la mer était profonde de trente brasses. La dernière éruption de l’Oræfajökull date de 1727 ; elle détruisit également un grand nombre d’habitations et beaucoup de bétail.

À l’ouest de l’Oræfajökull, mais plus loin dans l’intérieur du pays, est situé le Lakis, une série de cratères, qui produisirent en 1785 la plus formidable éruption dont l’Islande ail été le théâtre depuis l’époque de l’occupation normande. Aucun autre volcan de la

  1. Dans les éruptions de volcans recouverts de glaciers, la lave est transformée en poussière. En même temps une certaine étendue du glacier fond, et de grands blocs s’en détachent en roulant sur les pentes. Toute une masse épaisse de glace, de grosses pierres et de boue s’écoule vers les régions inférieures, en renversant tout sur son passage. C’est le phénomène appelé Jökulhlaup. La rapidité avec laquelle ils se meuvent rend les Jökulhaup beaucoup plus redoutables que les courants de lave.