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à travers le grönland.

évidemment, comme Castren l’a indiqué, de suks, vocable usité chez les Finnois de Finlande. C’est également une preuve que suk peut bien être le même mot que kok, puisque suk dans suksildæ s’est transformé en huk dans huksille. Les Karagasses ont la forme hok et les Soïots kok : la transition est donc indiquée ; à mon avis, il y a identité entre ces diverses formes[1].

Comment expliquer que deux races aussi éloignées l’une de l’autre que les Finnois de la Baltique et les Toungouses de la Sibérie orientale désignent les ski par le même mot ?

Pour cela, examinons les routes suivies par les deux groupes ethniques dans leurs migrations. Tous deux sont, croit-on, venus de la région entre le Baïkal et l’Altaï. Un grand nombre de localités voisines des sources de l’Obi et du Iénisséi ont des noms d’origine finnoise : les Finnois ont donc occupé cette région. D’autre part, les Toungouses ont été chassés de leur pays d’origine vers le nord et l’est par les Iakoules et les Mongols.

Nous sommes ainsi conduits à ces temps préhistoriques où les groupes finno-ougriens et toungouses habitaient dans le voisinage l’un de l’autre la région du Baïkal et de l’Altaï. C’est dans ce pays que nous devons chercher l’origine des ski et que ces différents peuples ont appris à s’en servir. Là sont établis aujourd’hui les Karagasses et les Soïots, qui donnent à ces patins un nom dérivé de suks, le vocable primitif.

L’examen du nom des ski dans les langues des différentes races de Sibérie fournit une nouvelle preuve que ces patins viennent de la région de l’Altaï. Les Samoyèdes de l’Ob appellent les ski : tolds, told, tolde et toldö, mot que nous retrouvons dans la langue golde sous la forme sok-solta ou suk-sulta, dans le toungouse sous celle de suk-sildæ et huksille, et dans la langue des Ostiaks du Iénisséi sous celle de a-sil. Solta a pu devenir tolda, et tolda se changer en toldö ; d’autre part, sylta s’est transformé en sildæ, puis en sille et finalement en sil. La présence du même mot pour désigner les ski dans les langues de races aujourd’hui aussi éloignées les unes des autres que le sont aujourd’hui les Samoyèdes, les Ostiaks et les

  1. Le mot mandchou suatakha contient la même racine takh que la forme mordvine et ostiake sokh, et que la forme permiake artakh.