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à travers le grönland.

En Asie, toutes les populations habitant au nord des steppes emploient les ski. Les Ghiliaks et les Aïnos, m’a rapporté le capitaine Jacobsen, se servent de ces patins d’une manière très curieuse. Ils s’asseyent à califourchon sur un petit traîneau attelé de chiens, en laissant traîner par terre leurs pieds garnis de ski. Les Toungouses, racontait un cocher à Jacobsen, se font tirer sur leurs ski par un renne. De la main gauche ils tiennent une courroie à laquelle est attaché l’animal, et de la main droite dirigent ce singulier équipage. D’après la gravure japonaise reproduite par Nordenskiöld dans le Voyage de la Vega[1], les Aïnos se font traîner sur leurs patins de la même manière. Quelquefois, m’a dit le professeur Friis, les Lapons usent également de ce mode de locomotion[2] ; mais il ne serait employé que par les patineurs expérimentés.

Les renseignements que les livres donnent sur les ski remontent au plus à quelques siècles. Sur ces patins la linguistique comparée fournit des indications beaucoup plus anciennes. Trouve-t-on chez des populations éloignées les unes des autres le même vocable pour désigner les ski, il est permis de penser que ce mot remonte à l’époque où ces rameaux ethniques, aujourd’hui séparés, étaient réunis en un même peuple.

Mon ami M. Andr.-M. Hansen, conservateur à la Bibliothèque de Kristiania, m’a rendu le service de rechercher le nom des ski dans les langues des peuples habitant le nord de l’ancien continent. La comparaison de ces différents vocables a conduit à des résultats peut-être encore’incertains, à coup sûr très curieux. Ce travail est trop spécial pour être reproduit ici. J’en donne simplement les parties les plus importantes.

Nos ancêtres ont appris des Lapons l’art de se servir des ski. Le nom de ces patins dans les langues Scandinaves n’est pourtant pas d’origine laponne. Les deux vocables par lesquels nous les désignons : ski et aandre en norvégien, skidor et andror en suédois, sont aryens. En russe nous trouvons le nom de lusia, en polonais celui de luzwa, et en letton celui de lushes, tous-mots d’origine aryenne.

  1. A.-E. Nordenskiöld, Voyage de la « Vega » (trad. par Ch. Rabot et Ch. Lallemand, librairie Hachette), t. ii, p. 103.
  2. Voir son livre Laila.