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cule pourrait-on traverser le Grönland du sud au nord. Pour toutes ces raisons je résolus de faire une excursion sur l’inlandsis au printemps. Je voulais visiter la région que nous avions parcourue en septembre et me rendre compte des changements subis par le glacier depuis cette époque.

À Godthaab les résidents danois pensaient que le navire chargé de nous rapatrier arriverait dès le 1er  avril, aussi nous ne pouvions guère songer à nous éloigner à partir de cette date. Plusieurs d’entre nous résolurent par suite de se mettre en route au mois de mars, bien que les observations à faire à cette époque ne fussent pas aussi importantes que plus tard. Le 21 mars, nous partîmes pour l’Ameralikfjord, Sverdrup et Kristiansen en canot, moi en kayak. En fait de provisions nous n’avions pu nous procurer à Godthaab que du poisson sec, du biscuit grossier et du beurre. Nous fîmes halle à Kasigianguit dans l’espoir de tuer là quelque renne afin de nous procurer un supplément de vivres. Pendant cinq jours régna une terrible tempête, et, bien loin de pouvoir compléter nos provisions, nous dévorâmes tout ce que nous avions apporté. De plus, notre position sous la lente laissait fort à désirer : la neige fondait partout et nous nous trouvions au milieu d’une véritable inondation.

Le temps de l’arrivée probable du navire approchait ; dans ces conditions nous ne pouvions songer à continuer notre excursion. Le 28 mars nous battîmes en retraite vers Godthaab.

Durant notre séjour sous la tente nous avions préparé le café avec une lampe alimentée par de l’huile de phoque ; comme cet appareil de chauffage fumait abominablement, nous avions la figure noire comme des nègres. Lorsque nous arrivâmes à la colonie, à grand’peine les indigènes purent nous reconnaître.

Pendant notre excursion Dietrichson et Ballo avaient fait un tour de kayak aux environs de Godthaab, et avaient visité Sardlok, Kornok, Umanak et Karusuk. Ils furent de retour quelques jours après nous. En revenant, un incident qui aurait pu avoir des suites très graves arriva aux deux voyageurs. Ballo s’aperçut tout à coup que son embarcation faisait eau. La côte aux environs était absolument accore ; dans cette situation Dietrichson conseilla à son