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arrivée a godthaab..

À notre entrée à Godthaab retentissent de nombreux coups de canon. Notre départ du Jason avait été salué par une salve, c’est également au bruit du canon que nous rentrons dans la civilisation. Quand nous arrivons dans les « rues », hommes et femmes sont rangés en lignes sur notre passage. Un joli spectacle, je vous assure, avec tous ces frais minois que fait valoir un costume élégant.

Mais attention : voici des Européennes ; les quatre dames danoises de la colonie viennent au-devant de nous et nous leur sommes présentés.

En l’absence de son mari, la femme du directeur de la colonie nous souhaite chez elle la bienvenue ; à quatre heures nous allons dîner chez le docteur.

Nous n’avons que le temps de faire une toilette sommaire, dans une petite chambre où une boîte à musique joue en notre honneur la Valse des roses. Là, pour la première fois depuis de longs mois, nous pûmes nous voir dans une glace. Vous devinez quel était notre aspect ; nous n’avions pas précisément bon air.

Avec quel plaisir nous nous débarbouillons ! mais il faut renoncer à l’espoir de nous débarrasser par un premier lavage de l’épaisse couche de crasse qui nous couvre. Nous revêtons des vêtements de dessous propres que nous avions transportés à travers l’inlandsis, et nous acheminons vers la maison du docteur, pour ainsi dire transfigurés.

Nous étions arrivés à bon port, et nous devions maintenant songer à nos camarades laissés à l’extrémité de l’Ameralikfjord. Après cela nous aurions à envoyer un exprès pour tenter de rejoindre le Fox.

Dans l’après-midi nous voulûmes faire partir un canot pour l’Ameralikfjord ; malheureusement une tempête s’était levée, et les Grönlandais, fort mauvais marins lorsqu’ils ne sont pas dans leurs kayaks, ne purent se mettre en route. Aucun homme non plus ne consentit à partir pour Ivigtut par un pareil temps.

Le soir nous couchâmes dans des lits. Pour mon compte je n’y dormis pas très bien : j’étais trop habitué à reposer