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la cote occidentale en vue.

alerte. Dans la soirée nous rencontrons des déclivités très marquées, le vent prend de nouveau de la force, en chassant d’épais tourbillons de neige, et nous poursuivons à grande vitesse.


À LA VOILE AU CLAIR DE LA LUNE, LE 19 SEPTEMBRE.
(DESSIN D’A. BLOCH, D’APRÈS UN DESSIN DE M. NANSEN.)

L’obscurité commence déjà à se faire lorsque soudain j’aperçois devant moi une tache noire sur la neige. Tout d’abord je n’y fais pas attention, croyant trouver une simple dépression comme nous en avons déjà rencontré ; à quelques pas, fort heureusement, je reconnais mon erreur, et n’ai que le temps de faire virer le traîneau : nous étions arrivés sur la marge d’une large crevasse ; quelques secondes de plus et nous disparaissions dans le gouffre, sans doute pour toujours. De toutes nos forces, Sverdrup et moi crions aux camarades qui nous suivent d’abattre la toile de leur traîneau et de s’arrêter. Balto raconte cet incident en ces termes : « Le soir, vers sept heures et demie, nous marchions à la voile, lorsque tout à coup Nansen, qui était en tête du premier traîneau, fait un bond de côté et nous crie : « Amenez la voile, il y a des crevasses ! » Nous marchions alors à toute vitesse et nous eûmes les plus grandes peines à nous arrêter ; pour enrayer il fallut nous jeter tous de côté. Nous arrivions sur le bord d’une immense crevasse profonde de plus de 100 mètres. »

« C’est la première crevasse que nous rencontrons sur le versant