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départ de la côte orientale. — escalade de l’inlandsis.

Outre une excellente soupe avec des peptones de viande, nous nous offrîmes le luxe d’une citronnade. Ce fut la dernière fois, jusqu’à notre arrivée à la côte, que nous pûmes boire à notre soif. Au réveil nous sommes noirs comme des charbonniers. Nos visages sont couverts d’amas de suie assez épais pour pouvoir être enlevés au couteau. Depuis notre départ du Jason jusqu’au jour où nous avons atteint la côte occidentale, jamais nous ne nous sommes lavés ; mais pour que le lecteur ne nous prenne pas pour des malpropres je m’empresse d’ajouter qu’en temps ordinaire nous avons l’habitude de nous débarbouiller. Pour trois raisons il nous était impossible de procéder à notre toilette habituelle. D’abord nous manquions d’eau. Nous n’avions qu’une petite quantité de ce précieux liquide, péniblement obtenue le matin et le soir dans la lampe à alcool, et le jour par la fusion de la neige dans nos bouteilles de poche. Lorsqu’on a soif, inutile de dire qu’on préfère boire l’eau au lieu de l’employer à des ablutions. D’autre part il n’est pas précisément agréable de se laver par des températures aussi basses que celles que nous avons supportées. Cela est même impossible sans risquer de se geler les mains. Enfin la réverbération du soleil sur les neiges nous brûlait la peau du visage. Nous pelions et nous avions la figure balafrée de crevasses. Dans ces conditions, les ablutions eussent empiré le mal.


nunataks, balto, mohn, kristianses, dietrichson et sverdrup. 22 août. (dessin de f. nansen.)

Le 24 août, neige très mauvaise, très fine et très profonde : l’épaisseur de cette couche superficielle n’est pas moins de 4 pouces. En outre, la pente est rapide. Pour entretenir les forces, tous les 3 kilomètres je distribue à chaque homme une tablette de chocolat à la viande. Pour le dîner nous préparons du chocolat ; comme combustible nous employons le restant de nos imperméables, un