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a travers le grönland.

ce désert de neige et de glace ; nous n’en trouverons plus avant d’avoir atteint la côte occidentale.

Pendant toute la durée de notre marche à travers l’inlandsis nous ne pûmes boire qu’une très petite quantité d’eau fraîche. Nous n’avions que l’eau provenant de la fusion de la neige dont nous remplissions de petites bouteilles en zinc que nous portions sur la peau. Nous n’avions pas la patience d’attendre que la neige fût complètement fondue, et dès que la masse cristalline était tant soit peu liquéfiée, nous aspirions les gouttes qui en tombaient. Vers dix heures du matin la caravane atteint le monticule terme de l’étape. Nous avons parcouru environ 8 kilomètres. Au delà de ce point la pente est moins forte et le glacier moins crevassé ; les premières difficultés sont maintenant vaincues, pensons-nous, et pour fêter cette première victoire, des extras sont servis, du mysost et de la confiture d’airelles. Le point où nous nous trouvons est situé à l’altitude de 870 mètres ; nous avons dépassé plusieurs nunataks, mais devant nous s’étend une longue suite de ces îlots rocheux.

Le 22 à deux heures du matin nous nous remettons en marche. Durant la nuit la température s’est abaissée à -5°, la neige est devenue résistante sous l’influence de ce froid, mais le glacier est très accidenté. Vers neuf heures du matin, la neige, ramollie par les rayons du soleil, ne porte plus. Dans ces conditions nous campons après avoir parcouru 10 kilomètres. Nous souffrons de plus en plus du manque d’eau et c’est avec délices que nous buvons le thé. Pour le rendre plus rafraîchissant j’y ajoute de l’extrait de citron, oubliant que nous avions déjà additionné notre boisson de lait condensé. Aussitôt le lait se coagule et tombe au fond de notre tasse : ce n’est guère appétissant, mais nous n’en buvons pas moins notre thé.

À neuf heures du soir nous nous remettons en marche, toujours à travers une région très accidentée. Il faut hisser les traîneaux au sommet de monticules de glace, puis les faire descendre dans les vallons séparant ces mamelons.

Si la marche est pénible la nuit, le spectacle est magnifique lorsque l’aurore boréale promène à travers le ciel sa lueur vacillante, ou