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de la baie d’Hudson ; mais les chiens grönlandais refusèrent cet aliment. Il fallut alors se procurer de la viande de phoque, autre grave difficulté, car presque tous les bons chasseurs étaient malades.

En dépit de tous ces contretemps, l’expédition se mit en route le 26 juillet. Elle était composée de deux Européens, Whymper et Robert Brown, et de trois indigènes. Plusieurs jours furent employés au transport des bagages au pied de l’inlandsis ; puis pendant trois jours une tempête arrêta les voyageurs.

Whymper ayant gravi entre temps un mamelon voisin de l’inlandsis eut une déception pénible. En un mois le glacier avait complètement changé. Au lieu d’une plaine de neige, c’étaient partout de très larges crevasses. Il n’y avait plus dès lors aucun espoir de succès. Le 26 juillet, la tempête s’étant calmée, Whymper se mit en route. Après plusieurs heures de marche et à quelques kilomètres seulement de la lisière du glacier, la caravane fut forcée de s’arrêter par suite d’avaries survenues aux traîneaux. Le vaillant explorateur anglais crut impossible de pousser plus loin, mais, avant de battre en retraite, il envoya en reconnaissance trois de ses compagnons. Ces éclaireurs n’ayant point trouvé la surface de l’inlandsis moins accidentée, l’expédition revint à son point de départ.

Après ce voyage Whymper semble ne plus avoir cru à l’existence d’une région dépouillée de glaciers dans l’intérieur du Grönland. Son célèbre livre Scrambles amongst the Alps (1871) contient la phrase suivante : « Entre le 68° 30’ et le 70° de latitude nord, le Grönland paraît être entièrement couvert de glaciers ». Il évalue la hauteur de la partie centrale du pays à 8 000 pieds, altitude probablement exagérée, mais cependant, à mon avis, assez vraisemblable[1].

En 1870, avec l’expédition entreprise par les professeurs Nordens-

  1. Edward Whymper, Explorations in Greenland (Good Words, revue publiée par Donald Macleod. nos  de janvier, février et mars 1884). C’est la seule relation complète publiée par ce voyageur. Les Millheilungen de Petermann (1871) contiennent un article de son compagnon Robert Brown, Das Innere von Gronland. Dans cet article, Brown raconte avoir vu à une très grande distance sur l’inlandsis un nunatak dont, au commencement de ce siècle, la mer aurait baigné le pied (!!).