Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
248
a travers le grönland.

on aurait parcouru une distance de 9 kilomètres, le lendemain 48 et le troisième jour 42, et cela sur un glacier très accidenté, recouvert d’une neige très mauvaise. À chaque pas les hommes brisaient la couche de verglas superficielle et enfonçaient profondément. Hayes n’indique pas la méthode employée pour déterminer les distances parcourues. Le cinquième jour, un froid très vif accompagné d’une tempête obligea l’expédition à la retraite après avoir parcouru une centaine de kilomètres. Le lendemain Hayes regagna ses quartiers d’hiver. La lecture de la relation écrite par cet explorateur fait littéralement dresser les cheveux : « Sa troupe, écrit-il, était presque morte de froid, le thermomètre marquait — 36 degrés », température inférieure à celle que nous avons éprouvée. Il est curieux que ces marcheurs endurcis n’aient pu supporter pareil froid.

La lecture du chapitre de l’ouvrage de Hayes consacré à cette exploration fait naître certains doutes. Toute personne qui a la pratique des régions du nord regardera comme impossible de parcourir les distances indiquées plus haut sur un terrain aussi accidenté que celui sur lequel avançait l’expédition américaine, en halant un traîneau. Le Dr  Bessels a du reste prouvé l’inexactitude des observations de latitude faites par Hayes, et montré qu’il ne s’était pas avancé vers le nord aussi loin qu’il l’affirmait.

En 1867 le célèbre grimpeur anglais Édouard Whymper fit une tentative pour avancer sur l’inlandsis en parlant du petit fjord Hordlek situé au nord de Jakobshavn (69° 25’ de latitude nord). Il supposait l’existence, au centre du Grönland, d’une oasis et de détroits découpant la masse continentale du pays en archipel. La distance entre les deux côtes est assez grande, croyait-il, pour qu’on y rencontrât des fjords restés inconnus. L’apparition et la disparition périodique de troupeaux de rennes sur la côte occidentale lui avaient fait supposer qu’au centre du pays devaient se trouver des pâturages où ces animaux venaient se réfugier de temps en temps. L’auteur du Kongespeil avait les mêmes idées, il y a quatre siècles.

L’expédition de Whymper en 1867 paraît avoir été simple-