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a travers le grönland.

du Grönland est remarquable pour le temps et donne une excellente idée des phénomènes glaciaires. Il est donc probable que Fabricius a parcouru l’inlandsis.

Pendant son séjour de huit années au Grönland (1806-1815), le géologue allemand Gieseck visita sur plusieurs points la lisière de l’inlandsis. Pas plus que ses contemporains, il ne comprit l’importance de l’étude scientifique de ce glacier, et ne fit aucune observation intéressante à ce point de vue ; en revanche, ses impressions de voyage sont écrites en style noble.

Pendant longtemps l’étude de l’inlandsis n’attira point l’attention. On était persuadé de l’impossibilité d’atteindre l′Österbygd par cette voie et de trouver une source de profit dans ce désert de glace. On avait alors les idées les plus extraordinaires sur cette immense carapace glaciaire, et à cette époque on commença à parler de régions fertiles situées au centre du continent, où les rennes sauvages se retireraient à certaines époques de l’année.

Vers 1850 s’ouvre une nouvelle période d’activité scientifique au Grönland. À la suite des études consciencieuses du Dr H. Rink, fruit de longues années d’exploration, l’attention du monde savant fut attirée sur cette terre polaire. Après avoir longtemps cru ce pays sans intérêt, on en reconnaissait la haute importance scientifique. Rink démontra la puissance de l’inlandsis et supputa l’énorme quantité de glace qui s’en détachait annuellement. De chacun des grands fjords où se forment des isbergs arrive chaque année à la mer une masse de glace dont il évaluait le volume à 100 millions d’alen cubiques (24 732 800 mètres cubes).

Ces études sur l’inlandsis découvraient aux naturalistes un nouveau champ d’observations. Plusieurs savants, notamment Louis Agassiz, avaient émis auparavant l’hypothèse que de grandes nappes de glace avaient autrefois recouvert certaines parties du globe ; Rink révélait l’existence d’un de ces immenses glaciers. Désormais les géologues avaient la perception que jadis, comme le Grönland aujourd’hui, une grande partie de l’Europe et de l’Amérique avait été ensevelie sous la glace et qu’à ces énormes carapaces glaciaires étaient dus les stries, les moraines, les blocs erratiques qu’on rencontre dans tout le nord de l’Europe.