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notre dernier campement sur la côte orientale.

y avoir des rochers, mais nous ne les apercevons pas. Nous voyons seulement devant nous la mer bleue, libre de banquise. Seuls, de petits blocs provenant du vêlage du glacier parsèment sa surface miroitante. Quel changement s’est produit dans l’espace de quelques semaines ! Au milieu de juillet la banquise s’étendait en mer jusqu’à une distance de 24 milles et barrait la route à nos petites embarcations : aujourd’hui une escadre pourrait venir aborder ici sans rencontrer le moindre obstacle. Arrivés plus haut, nous apercevons la côte jusqu’au cap Dan ; partout, la mer bleue libre jusqu’au rivage, pas la moindre banquise.


tout à coup le pont de neige s’écroule
(dessin d’e. nielsen, d’après un croquis de l’auteur.)

Ayant fait sur la glace un repas sommaire, il faut nous remettre en marche ; nous voulons atteindre le monticule en vue avant le coucher du soleil, moment de la journée où l’horizon est le plus clair sur les glaciers. La marche devient de plus en plus pénible. Elle est surtout rendue fatigante par la présence, à la surface du névé, d’une couche de verglas formée les nuits précédentes ; sous le poids du corps, la glace se brise, et vous enfoncez dans le névé, puis, lorsque vous levez le pied, ses débris suivent le mouvement et vous serrent aux orteils comme dans un piège. La fatigue venait d’autant plus vite que depuis de longs mois nous avions perdu l’habitude de la marche. Nous éprouvions surtout des douleurs dans les muscles des jambes et des genoux.

Allons, du courage ! il faut se hâter pour atteindre le but de notre