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nouvelle entrevue avec les eskimos

apercevoir le phoque de leurs embarcations très basses sur l’eau. Je n’en continue pas moins ma pantomime ; tous regardent dans la direction indiquée, finalement ils voient le gibier. Aussitôt ils filent rapidement, pour s’approcher du glaçon. Le phoque lève la tête ; tous s’arrêtent de suite ; puis, dès qu’il s’allonge de nouveau, ils reparlent. Deux kayaks ont pris l’avance sur les autres ; ils sont maintenant tout près de l’animal ; à chaque instant nous nous attendons à les voir lancer leurs harpons. Tout à coup le phoque plonge. Les chasseurs restent un instant immobiles, prêts à jeter leurs harpons s’il reparaît ; mais la bête ne se montre plus. Les indigènes abandonnent alors la partie pour retourner chez eux, pendant que nous poursuivons notre route vers le nord.

Le soir nous campons sur un îlot (65° 20’ de lat. N. et 40° de long. 0.) dans un golfe de la côte orientale de l’île où Graah passa l’hiver de 1829-1850.

Le lendemain la glace opposa de sérieuses difficultés à notre navigation ; au nord la mer était heureusement plus libre. Maintenant dans ces parages nous rencontrons des embarras d’une autre nature. Jusque-là la carte levée par le commandant Holm et le lieutenant Th.-V. Garde est très exacte, mais à partir de ce point nous rencontrons un grand nombre d’îles, de fjords et de récifs qui ne sont point indiqués sur ce document, ou du moins très inexactement. Finalement, impossible de nous reconnaître, et je prends la décision de ne plus me guider sur la carte. Jusqu’à notre retour je ne pus me rendre compte de la cause des erreurs de ce document ; le commandant Holm m’apprit alors n’avoir pas eu le temps de relever lui-même cette portion de la carte et s’être servi pour remplir cette lacune des levés de Graah, qu’on avait tout lieu de supposer exacts puisque cet officier avait hiverné dans ces parages. Plus au nord les palmipèdes sont très abondants, nous réussissons à tuer un certain nombre de mouettes bourgmestres (Larus glaucus) et de guillemots (Uria grylle). Sur une montagne servant de place de ponte à une nombreuse troupe de ces derniers oiseaux, nous essayâmes d’en attraper de jeunes, mais sans grand succès. Nous en prîmes seulement deux, à notre vif désappointement, car les jeunes guillemots sont un mets de choix. Devant une montagne à oiseaux,