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a travers le grönland.

avaient pris la fuite avec toute leur famille au sommet des montagnes. Arrivés dans un golfe, nous nous arrêtâmes pour regarder ces pauvres gens qui s’enfuyaient. Nansen leur cria alors : Nogut piteagag ! ce qui signifie : « Nous sommes amis », mais ils ne tinrent aucun compte de cette démonstration amicale. Ils nous faisaient des signes comme pour nous dire de nous en aller. Survinrent deux hommes de derrière un monticule ; ils s’approchèrent du rivage et commencèrent à crier : Io ! Io ! comme l’avaient fait tous les indigènes que nous avions rencontrés jusqu’ici. La taille de l’un d’eux ne dépassait guère 1 mètre. Nous allâmes ensuite à terre. Ayant lu dans le livre du capitaine Holm que la viande de phoque sèche était très bonne, nous en demandâmes aux indigènes. En échange, nous leur fîmes cadeau de plusieurs aiguilles ; après cela nous continuâmes notre route. »

Peu de temps après avoir quitté ce campement, nous vîmes arriver derrière nous plusieurs indigènes traînant à la remorque de leurs kayaks de gros morceaux de phoque qu’ils voulaient échanger contre des aiguilles. Nous dûmes poursuivre sans les attendre.

Quelque temps nous apercevons très loin derrière nous le petit nain en kayak, pagayant avec vigueur pour pouvoir nous rejoindre. Lui aussi veut avoir des aiguilles, mais en dépit de ses efforts le pauvre bonhomme ne peut nous rejoindre et doit abandonner la partie.

Plus loin nous rencontrons d’autres kayaks. Ces indigènes nous suivent et se montrent très communicatifs. Ils témoignent le plus vif étonnement de nous voir. Nos canots en bois sont pour eux un objet d’admiration.

Après nous avoir fait la conduite un bon bout de chemin, la nuit approchant, ils diminuent peu à peu leur vitesse et finalement s’arrêtent pour nous contempler encore une fois avant de retourner chez eux. Tout à coup j’aperçois un phoque sur un glaçon. Nous aurions vivement désiré le prendre pour avoir un peu de viande fraîche, mais nous préférâmes le laisser capturer par nos compagnons indigènes pour être témoins de la manière dont ils le prendraient. Sur notre signe tous les kayaks arrivent de suite ; nous leur montrons le glaçon, mais ils ne nous comprennent pas, ne pouvant