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a travers le grönland.

nous l’avions bue, mais parce qu’il nous servait à transporter notre provision d’eau. L’eau qu’il renfermait avait un goût de bière, et en la buvant il nous semblait avaler celle délicieuse boisson. Désormais nous eûmes toujours soin de haler les embarcations à une grande distance de la mer.

Le lendemain matin, je me réveille la figure couverte de boutons, et la tente est remplie de moustiques. À la hâte je sors pour échapper à la rage. C’est tomber de mal en pis : dehors bourdonnent des essaims compacts de ces maudits insectes. Le plus pénible moment fut celui du déjeuner. Nous ne pouvons manger une bouchée sans avaler une bouillie de moustiques. Nous nous réfugions sur le sommet des rochers voisins, exposés à la brise, dans l’espoir que le vent chassera nos ennemis : peine perdue ! Nous allons d’un sommet à l’autre, nous nous couvrons de mouchoirs la figure, le cou : toujours en vain ; le mieux est de manger en toute hâte et de nous embarquer au plus vite. Nous fuyons ainsi l’ennemi, non sans perle de sang de notre côté.


paysage au nord de l’embouchure du fjord de tingmiarmiut.
(d′après une photographie.)