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toujours au nord

eux une occasion de joie et d’amusements, et pouvait en même temps leur procurer quelque profit. Nous continuons à avancer vers le nord, fiers de poursuivre notre chemin, alors que les indigènes, qui eux connaissent la côte, abandonnent la partie.

Pendant quelque temps nous marchons rapidement, mais au milieu d’un fjord la glace est de nouveau compacte et de plus poussée par un fort courant. Les blocs culbutent les uns contre les autres, s’entre-choquent, puis s’écartent rapidement. Au milieu d’un pareil tourbillon il faut avoir l’œil ouvert pour passer sans que les
vue prise de l′örnerede
(d′après une photographie)
canots soient brisés. Plus nous avançons, plus la situation devient périlleuse.

Un moment nous nous trouvons entre deux larges flaques poussées rapidement l’une contre l’autre par d’autres blocs ; nous n’avons que le temps de sortir de cet étau par une prompte retraite. Dans la soirée nous atteignons la rive opposée du fjord ; la côte, partout escarpée, rend l’atterrissement difficile. Ayant découvert dans le rocher une sorte de crevasse, juste assez large pour abriter nos canots, nous les tirons hors de l’eau à l’aide d’un palan. Plus haut, sur un petit replat de rocher, à grand’peine trouvons-nous la place suffisante pour dresser la lente. Nous appelâmes ce campement aérien le Nid d’aigle. En eskimo cette localité porte le nom d’Ingerkajarfik ; elle est située par 62° 10’ de latitude nord et 42° 12’ de longitude ouest. Le sol sur lequel la tente avait été établie inclinait d’un côté, et, en nous réveillant le lendemain, nous nous trouvâmes tous les uns sur les autres.

Le lendemain le temps est superbe et le soleil brillant. Au sud de notre campement un puissant glacier, étincelant comme un beau