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a travers le grönland.

leur équilibre. Je voulus photographier cette scène comique, mais, lorsque mon appareil fut prêt, les priseurs s’étaient dispersés, et l’un après l’autre les kayaks filaient vers le sud. Pour se faire leurs adieux, les Eskimos du Grönland oriental ont l’habitude de s’offrir une prise, comme les paysans norvégiens, un petit verre d’eau-de-vie. Les gens venant du sud pouvaient seuls faire cette politesse à leurs camarades : ils arrivaient probablement des établissements danois, alors que les autres se dirigeaient vers ces colonies. Les Eskimos de la côte orientale entreprennent souvent ces voyages ; à ceux qui habitent le plus au nord, pas moins de deux ans sont nécessaires pour atteindre la côte sud-ouest. L’expédition aller et retour peut durer quatre ans. Ces indigènes font ce long trajet, non pas pour se procurer des objets de première nécessité, comme on pourrait le croire, mais simplement pour acheter du tabac. Ils ne fument ni ne chiquent, mais ce sont des priseurs endurcis. Les Eskimos achètent dans les établissements danois des feuilles de tabac roulées ; après les avoir découpées, ils les font sécher au-dessus des lampes, puis les râpent sur des pierres plates, et ajoutent ensuite au tabac en poudre de menus fragments de calcaire ou de quartz, pour augmenter sa force sternutatoire.


eskimo du cap bille. (d’après une photographie.)