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unes unes mesurent une largeur de plus de 30 centimètres. La mèche est un morceau de mousse séchée, placé le long des bords du vase et alimenté constamment par du lard frais que la chaleur transforme rapidement en huile. Le soin d’entretenir les lampes incombe aux femmes ; elles ont, pour cela, des baguettes spéciales, et avec ces instruments empêchent les mèches de fumer ou de s’éteindre. Au-dessus de ces lampes les habitants font cuire leur nourriture dans de grands vases en pierre ollaire suspendus au plafond.

Il est curieux que ces indigènes ne se servent ni de tourbe ni de bois, alors qu’ils pourraient facilement s’en procurer. Dans la tente où je me trouve brûlent un grand nombre de lampes ; elles restent allumées jour et nuit, servent en tout temps de poêles et la nuit de luminaires ; sur plusieurs chauffent des marmites. Les Eskimos ne dorment jamais dans des chambres obscures. Ces lampes répandent une odeur d’huile très désagréable pour nous autres Européens, néanmoins on s’y habitue rapidement.

Après nous être assis et avoir tout bien examiné, la conversation commence. Chaque objet que je regarde, on me le montre et l’on m’en explique l’usage. Je n’entends pas un mot de tout ce que ces braves gens me content ; à l’aide de gestes seulement je parviens à les comprendre. J’apprends ainsi qu’une petite étagère suspendue au plafond sert à faire sécher les vêtements et que les marmites contiennent de la viande de phoque. Mes hôtes me montrent ensuite plusieurs objets qu’ils sont très fiers de posséder. Une vieille femme ouvre un sac et en tire une petite chique de tabac hollandais ; puis un homme me fait voir un couteau avec un manche en os : ce sont les deux objets les plus précieux de la tente, et les habitants ont pour eux une sorte de vénération. On m’explique ensuite la parenté des différents membres de la petite communauté. Un homme embrasse une femme bien potelée, puis tous deux me montrent, avec un air de satisfaction, plusieurs personnes jeunes : ce sont le mari, la femme et les enfants. Le bonhomme étend la femme tout de son long, lape sur ses parties les plus grasses, dans l’intention de me faire apprécier sa beauté et de me montrer l’estime qu’il a pour elle, ce qui paraît faire le plus grand plaisir à la Grönlandaise.

Chose assez curieuse, chacun des hommes de cette tente n’avait