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à travers le grönland.

liers et doux. De prime abord, en le voyant, nous ne savons trop si c’est un homme ou une femme. Il est leste et gracieux dans ses mouvements.

Une fois près de nous, les indigènes nous envoient un bon gros sourire, puis commencent à gesticuler et à babiller dans une langue dont nous ne comprenons naturellement pas un mot. Ils nous montrent le nord, le sud, la banquise, la terre, les canots, tout cela accompagné d’un bavardage inintelligible. Nous répondons à leur politesse en souriant.

Pendant ce temps les Lapons ne sont pas à leur aise ; ils ont un peu peur des « sauvages » et se tiennent à l’écart.

Tirant alors quelques feuilles de papier sur lesquelles un ami avait écrit un vocabulaire eskimo contenant quelques phrases usuelles pour nous, j’adressai aux indigènes plusieurs demandes dans ce que je crus être d’excellent grönlandais. C’est maintenant au tour des indigènes de ne rien comprendre. Je renouvelle ma tentative, je leur demande l’état des glaces plus au nord : même résultat, point de réponse. Après plusieurs autres essais tout aussi infructueux, j’ai recours à la pantomime ; elle réussit mieux. J’apprends par ce moyen qu’un certain nombre d’indigènes habitent au nord du glacier de Puisortok, et que pour doubler ce glacier il est nécessaire d’en suivre de près le front. En désignant le Puisortok, ils font force gestes et prennent une mine sérieuse ; ils veulent sans doute indiquer par là que le passage est dangereux et qu’il faut prendre des précautions. Les indigènes de la côte orientale ont de nombreuses légendes et croyances superstitieuses sur ce glacier. Nous essayons ensuite de leur faire comprendre par signes que nous ne venons pas du sud en longeant la côte, mais de la pleine mer ; ils nous répondent par un long grognement sourd comme le beuglement d’une vache. Par ce cri ils veulent évidemment témoigner de leur étonnement. Ils se regardent ensuite l’un l’autre, puis nous lancent des regards d’un air de doute. Peut-être ne comprennent-ils pas le sens de notre pantomime, ou bien peut-être nous prennent-ils pour des êtres surnaturels, ce qui n’est pas improbable après tout.

Nos deux Eskimos examinent ensuite soigneusement notre équi-