reste le dernier intact se laissèrent dériver sur la banquise jusqu’au cap Farvel et, en octobre et novembre, arrivèrent aux etablissements danois. Une troupe de six matelots, montés dans deux embarcations, atterrit au nord de Godthaab. Au moment du naufrage de leur navire, ces six hommes avaient sauvé deux canots et une grande quantité de vivres. Au lieu d’aller, comme leurs camarades, chercher un refuge sur un autre bâtiment, ils étaient restés sur la banquise. Ils prirent ensuite la mer, doublèrent le cap Farvel, remontèrent la côte occidentale, et finalement atterrirent sur un petit îlot au nord de Godthaab. Ne sachant où ils se trouvaient, les naufragés résolurent d’hiverner sur ce récif. A l’aide de rames et de voiles ils établirent un abri, et vécurent là des provisions sauvées du naufrage. Les malheureux eurent à souffrir du froid et du manque d’eau ; lorsque la mer était grosse, les vagues balayaient leur récif et menaçaient de les emporter. A la fin de mars, des Grönlandais découvrirent la retraite des naufragés et les conduisirent à Godthaab. Ces six hommes avaient parcouru une distance de 682 milles marins, soit sur la banquise, soit en canot.
Dans cette catastrophe de 1777, trois cent vingt hommes environ périrent, cent cinquante-cinq seulement atteignirent les établissements danois, d’où ils revinrent l’année suivante en Europe. Inutile d’ajouter qu’ils furent admirablement accueillis, aussi bien par les Eskimos que par les Danois[1].
Pendant l’hiver 1869-1870, un événement non moins dramatique se passa sur la banquise de la côte orientale. Nous voulons parler du voyage de la Hansa, un des navires qui transportaient la deuxième expédition polaire allemande à la côte est du Grönland.
La Germania réussit, comme on le sait, à se frayer un chemin à travers les glaces vers la côte. Pendant ce temps, la Hansa, comman-
- ↑ Jules Payer, dans la relation très inexacte qu’il a publiée de cette catastrophe (Die Österreichisch-ungarische Nordpol-Expedition in den Jahren 1872-1874, Vienne, 1876, p. 481), affirme que les survivants, dont il fixe bien à tort le nombre à douze, auraient été fort mal traités dans les colonies danoises et pendant leur voyage de retour en Europe. Le capitaine C. Normann, dans un article publié sur ce naufrage dans le Geographisk Tiddskrift, vol. II, p. 49-63, Copenhague, 1878), a rétabli la vérité, et il faut espérer qu’elle ne sera plus contestée. Son travail, auquel nous avons fait plusieurs emprunts, contient de nombreux extraits des récits publiés jadis sur ce dramatique événement.