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À TRAVERS LE GRÖNLAND

lieutenant Hovgaard. Cette offre venant d’un étranger que je ne connaissais pas, à un moment où presque tous mes compatriotes considéraient mon projet comme l’œuvre d’un fou, me toucha profondément ; immédiatement je l’acceptai avec reconnaissance.

Au mois de janvier 1888, mon plan de voyage fut publié dans la revue « Naturen » sous le titre de Grönlands inlandsis. Après avoir résumé les tentatives faites antérieurement pour traverser le Grönland, j’exposai mon projet en ces termes :

« Accompagné de trois ou quatre vigoureux patineurs, je m’embarquerai, au commencement de juin, en Islande sur un baleinier norvégien et me dirigerai vers la côte orientale du Grönland. Sous le 66° de latitude nord, nous ferons une tentative pour approcher de terre[1]. Si le bâtiment ne peut atterrir[2], il pénétrera au milieu des glaces aussi loin que possible, puis l’expédition gagnera la côte en traversant à pied la banquise. Pour franchir le chenal d’eau libre ouvert suivant toute probabilité le long du littoral, nous emporterons une embarcation légère dont la quille, garnie de patins, pourra glisser facilement sur la banquise. D’après mon expérience, cette marche sur la banquise ne présente pas d’obstacles insurmontables. En 1882, le baleinier Viking, d’Arendal, à bord duquel je me trouvais, fut bloqué par les glaces pendant vingt-quatre jours devant la côte orientale du Grönland. Au cours des promenades que je fis sur la banquise pendant cette détention, je me suis rendu compte de la nature des glaces qui la composent. Durant ce voyage, j’ai également appris à haler les embarcations sur les drifis[3]. Je pense donc avoir une expérience suffisante pour tenter l’entreprise. Mon projet serait de débarquer au nord du cap Dan, cette partie de la côte étant encore inconnue. Au sud de ce promontoire, au contraire, le littoral a été exploré par le commandant Holm et le lieutenant Th. Garde, de la marine royale danoise. En 1884, cette expédition, après avoir atteint un point situé un peu au nord du cap Dan, a

  1. Je me proposais d’abord de débarquer plus au nord, dans le fjord de Scoresby, encore inconnu. Pour mettre à exécution ce projet, un vapeur aurait été nécessaire. La location d’un pareil bâtiment étant naturellement très onéreuse, je dus renoncer à cette idée.
  2. Nous envisagions la possibilité d’atterrir. Pendant l’été 1884, les baleinières avaient pu approcher très près de la côte.
  3. Glaces flottantes. (Note du traducteur.)