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à travers le grönland.

de voyage. Les gens du monde pourront les passer sans inconvénient.

« 21 juillet. — Dans l’après-midi, du haut d’un glaçon élevé, nous apercevons dans le sud une longue et étroite ouverture à travers la banquise. La dérive nous porte dans la direction de son extrémité supérieure. Peut-être pourrons-nous atteindre terre.

« 22 juillet. — Dans la nuit survient un épais brouillard. Impossible de reconnaître de quel côté pousse le courant. Le bruit du ressac est aussi violent que les jours précédents. Pendant la nuit, le bruit semble diminuer et la houle tombe un peu.

« Toute la journée, houle et brouillard. Vers midi une éclaircie se produit ; en me servant d’une flaque d’eau de notre glaçon comme d’horizon artificiel, je détermine la latitude. Nous nous trouvons par 64° 18’ de latitude nord : nous avons donc fait un bon bout de chemin dans le sud. Depuis hier midi la dérive a dépassé 60 milles.

« Pendant la matinée la glace s’ouvre un peu : de suite un canot vide est mis à l’eau. En dépit de nos efforts, la marche est très lente ; la bouillie de glace qui couvre les canaux ouverts entre les glaçons arrête l’embarcation. Dans cette situation, il est préférable de réserver nos forces. Avec ce diable de brouillard, impossible de reconnaître la direction la plus avantageuse. Peut-être atteindrons-nous bientôt la côte ; nous aurons alors besoin de toute notre énergie.

« Dans l’après-midi, éclaircie ; il semble que nous soyons maintenant plus rapprochés de terre. Une faible brise souffle, nous espérons qu’elle fraîchira et chassera la glace ; la houle est toujours forte. Qu’une tempête vienne à souffler de terre, elle ferait tomber la mer qui pousse la glace de ce côté, et disperserait la banquise vers la pleine mer. Nous pourrions alors avancer à travers les glaçons.

« Autour de nous apparaissent sur la glace un grand nombre de phoques à capuchon (Cystophora cristata). Lorsqu’ils plongent dans les flaques d’eau voisines de notre campement, ils élèvent au-dessus de l’eau leurs grosses têtes pour nous examiner ; évidemment ils se demandent quels sont les êtres étranges qui sont venus s’établir sur la banquise. Après nous avoir contemplés, ils disparaissent en fai-