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De vigoureux patineurs, bien équipés, réussiraient certainement à parcourir le Grönland, à condition de choisir judicieusement leur base d’opérations. Cette base d’opérations était le point délicat de l’entreprise.

Si, à l’exemple des expéditions organisées antérieurement, on partait de la côte
en vue de la côte orientale du grönland.
occidentale, le succès était incertain. On avait derrière soi les établissements danois, et, devant, l’inconnu de l’immense désert de glace et de la côte orientale. En second lieu, parvenait-on à traverser l’inlandsis : pour revenir ensuite en Norvège, il fallait parcourir une seconde fois le glacier.

À mon avis aucune hésitation n’était permise. Il fallait traverser la banquise riveraine de la côte orientale du Grönland, débarquer sur cette solitude glacée, puis de là marcher vers les colonies danoises de la côte occidentale. Ce plan avait l’avantage de couper toute retraite à la caravane ; plus n’était besoin d’entraîner les hommes en avant ; la côte orientale n’offrait aucun abri, aucun secours, tandis que devant soi la côte occidentale était une Terre promise. Dans ce cas, plus d’hésitation : il fallait marcher sans relâche vers les colonies danoises du littoral ouest ou mourir sur place.

En 1884 j’exposai mon plan de voyage dans une lettre adressée à un de mes amis de Copenhague. Je proposai alors l’organisation d’une expédition danoise-norvégienne à la côte orientale du Grönland. Aux Danois serait confiée l’exploration du littoral pendant que nous autres Norvégiens traverserions l’inlandsis de l’est à l’ouest.