Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
à travers le grönland.

la tête, mais, le voyant encore à une bonne distance, ils s’étendent de nouveau sur la glace. Pendant ce temps le canot ramé vigoureusement avance, les animaux lèvent de nouveau la tête, mais cette fois avec un air d’inquiétude ; ils regardent tantôt l’embarcation, tantôt la mer, puis s’approchent du bord du glaçon, allongent le cou et font mine de vouloir se jeter à l’eau. Alors tout l’équipage, sur l’ordre du tireur, pousse un hurlement frénétique : étonné de ce bruit, le phoque s’arrête un instant, puis recommence à glisser vers le bord du glaçon. Un nouveau hurlement plus retentissant que le premier se fait entendre : l’animal s’arrête une seconde fois, regarde le canot qui arrive à toute vitesse, puis continue sa marche : il va plonger et l’on n’est pas encore à bonne portée. Le tireur envoie alors une balle sur le glaçon juste au-dessous de l’animal ; éclaboussé, le phoque recule aussitôt. Le canot avance toujours rapidement et arrive bientôt à portée ; les avirons s’arrêtent, le chasseur lire, et la balle va frapper en plein la tête du phoque.

Si des stemmatopes mitrés se trouvent réunis en troupe sur un même point, on peut en très peu de temps en abattre un grand nombre. Pour arriver à ce résultat, le premier animal doit être tué raide. En 1882, j’ai ainsi tiré sur le même point une grande quantité de phoques, j’aurais pu en abattre davantage si je n’avais dû rentrera bord pour vider mon canot. On peut tuer un grand nombre de ces animaux, sans que le reste de la troupe prenne la fuite. Voyant les morts immobiles, les survivants les croient encore en vie. Si le chasseur a la mauvaise chance de blesser le premier animal qu’il lire, immédiatement il saute hors du glaçon et plonge, entraînant à sa suite tous ses compagnons. Il est donc très important d’avoir pour cette chasse de bons tireurs.

Dès que le phoque est abattu, on le dépèce le plus rapidement possible, pour continuer de suite la chasse et ne pas se laisser devancer par les autres canots. En quelques minutes celle besogne peut être faite ; après avoir ouvert l’animal, on donne ensuite quelques coups de couteau autour de la tête et de la queue, puis sur les flancs ; on sépare la graisse de la chair, et la peau se trouve ainsi détachée. On prend seulement la peau et le lard qui y