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taches noires ; chaque année le nombre de ces plaques augmente, et, à l’état adulte, l’animal a une robe blanchâtre parsemée de taches plus ou moins grandes. Généralement ces plaques clairsemées sur la tête deviennent, sur les flancs, si rapprochées les unes des autres que celle partie du corps semble absolument noire. Le mâle, en gonflant son capuchon, donne à sa tête des dimensions énormes. Il ne prend cet aspect que lorsqu’il est irrité. En temps ordinaire la peau distendue lui tombe sur le museau. Il est assez difficile d’expliquer futilité de cet appendice. Peut-être destiné à préserver le nez, le point le plus vulnérable de l’animal, a-t-il atteint dans le cours des âges son développement actuel à la suite des combats que se livrent les mâles pour la possession des femelles. Ceux qui ont le museau bien protégé survivant aux autres, cet appendice se serait fixé avec le temps.

Cette hypothèse ne repose, à mon avis, sur aucun fondement. Les mâles ont certainement entre eux des luttes très vives pour s’emparer des femelles, mais leur museau n’est pas plus exposé dans ces combats qu’une autre partie du corps. Peut-être cette excroissance est-elle considérée comme un ornement et s’est-elle développée grâce à cette circonstance que ceux qui en étaient pourvus étaient recherchés par les femelles.

Le stemmatope mitré est très fort ; c’est un adversaire dont on aurait tort de faire fi. Sur la glace il se meut difficilement, mais, une fois dans l’eau, il peut être dangereux. Les Eskimos, qui le chassent dans leurs frêles kayaks, prennent leurs précautions pour l’attaquer ; beaucoup d’entre eux ont été tués ou noyés par ces phoques. En 1882, un mâle blessé se jeta dans l’embarcation où je me trouvais, en ouvrant la bouche pour me mordre, et avec ses crocs fit de profondes entailles dans le bordage.

Le phoque à capuchon nage et plonge avec une merveilleuse aisance. Pour aller chercher sa nourriture composée de poissons, il descend à de grandes profondeurs. La preuve m’en est fournie par la découverte, dans l’estomac d’un animal tué entre le Spitzberg et Jan Mayen, d’un Sebastes norvégicus, poisson qu’on trouve à une profondeur de 50 à 80 brasses[1]. Dans ces fonds la pression est d’en-

  1. Quelquefois, il est vrai, ce poisson se rencontre à une profondeur moindre.