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les conquêtes du commandant belormeau

distinguer le bruit des caissons s’éloignant dans l’ombre ; à l’aube, son inquiétude la jetait hors de son lit et elle courait, pieds nus, à sa fenêtre, s’assurer que le détachement n’était point parti. Jalousement, Valentine cachait, à tous les yeux, cette perpétuelle anxiété qui faisait parfois monter à son front une rougeur de malaise ; seule, Nanniche, par inadvertance, par un secret instinct déplaisant, mettait, à chaque instant, le doigt sur la plaie.

Quand elle entrait, le matin, dans la chambre de sa jeune maîtresse, pour lui porter son café et ses rôties, elle avait toujours à lui faire quelque communication de ce genre :

— Pour le coup, demoiselle, on dit que les artilleurs vont partir.

— On l’a dit tant de fois, répondait Valentine, d’un air détaché.

— Oh ! cette fois, il doit y avoir du vrai ; le fourrier a réglé l’avoine et le foin des chevaux.

Ou bien Nanniche, en soufflant le feu, soupirait.

— C’est pas les artilleurs qui s’en vont ; c’est le commandant Belormeau qui a son changement.

— Son changement ? ne pouvait s’empêcher de demander Valentine, oppressée.

— Oui, son ordonnance l’a dit chez le boulanger ; paraît qu’il a de l’avancement.

— J’espère qu’il nous en fera part, reprit, ce matin-là, Valentine, tournée vers sa table à toilette pour ne pas laisser voir l’altération de ses traits.

— Oh ! c’est pas sûr ! Les militaires, ils sont là, aujourd’hui ; ils seront ailleurs demain ; ils sont tôt partis, demoiselle, et ils ont vite fait d’oublier ce qu’ils laissent.

Valentine, piquait au hasard, des épingles dans sa chevelure et feignait de n’écouter que d’une oreille, par condescendance. Quoiqu’elle se répétât que les informations de Nanniche n’étaient jamais bonnes,