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les conquêtes du commandant belormeau

gine qu’il aime, en moi, la fille de M. Stenneverck, la descendante d’une famille qu’il a toujours estimée, à laquelle il désire s’allier… mais que si j’avais des taches de rousseur comme Lise Fremont ou la tournure de Nanniche, il m’aimerait tout autant.

— Ah ! ce n’est pas vrai, par exemple !

— Qu’en sais-tu ?

— J’en crois mes yeux qui sont bons et mon expérience qui est neuve.

— Philippe ne m’a jamais laissé supposer qu’il me trouvait jolie.

— Il eut dû te le dire en vers, stationner sous ta fenêtre avec une viole, sous les étoiles, au clair de lune, par pluie battante ; te dérober tes épingles, tes rubans, tes mitaines ; rougir en te voyant paraître, pâlir en te voyant disparaître et sécher en t’attendant… N’est-ce pas là, la peinture frappante de l’amour idéal ?…

— Ne raille pas, répondit tristement Valentine ; ce sentiment, cette soif d’une grande tendresse inconnue me font souffrir.

— C’est sérieux ? fit Minna, posant son ouvrage. Tant pis, Valentine, je crois que tu vas te montrer trop exigeante avec la vie. Tu sais, quand on dédaigne ce qu’elle donne, elle se venge, parfois.

— Peut-être… Moi, vois-tu, j’aurais souhaité être aimée uniquement, passionnément ; j’aurais voulu être la seule pensée de l’homme qui m’eût choisie ; j’aurais voulu être son univers, en un mot.

Valentine s’animait, une flamme rose montait à ses joues délicates ; elle était en cet instant délicieuse ment jolie.

Minna la considéra de son petit air moqueur et sage, tout à la fois ; l’air de grand-père Frantz, disait-on.

— Sais-tu, fit-elle, que ce n’est point chrétien, ce que tu me dis là.