Page:Nalim - Les conquêtes du commandant Belormeau, 1927.pdf/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
119
les conquêtes du commandant belormeau

Le marchand était pressé et ses clients n’avaient nulle envie de le retenir.

Lorsqu’il se fut éloigné, Pierre posa amicalement sa main sur l’épaule de Philippe.

— Veux-tu que j’aille faire un tour, là-bas ? dit-il.

Le jeune homme acquiesça d’un signe et, sans en demander davantage, Pierre s’éloigna.

Celui-ci avait deux motifs pour se rendre à Wattignies avec tant d’empressement ; il avait, certes, le souci de rassurer son cousin, quoiqu’il ne crût pas, pour son compte, à la possibilité d’un rapprochement entre le nom que n’avait pu dire le marchand de grains et celui de la fille de Michel Stenneverck ; mais il avait, aussi, le vif désir de prendre un peu la température de la maison et de savoir comment il y serait reçu ?

Il n’osait point tout d’abord se présenter chez le père de Minna ; en se rendant chez le filateur, il aurait le prétexte d’un entretien à demander à grand-père Frantz ; c’est sur l’aïeul qu’il comptait pour arranger l’affaire qu’il avait si sottement embrouillée.

En arrivant chez Michel Stenneverck, Pierre Artevelle eut un sursaut d’inquiétude, tant il semblait que quelque chose d’insolite se passât dans la maison.

Personne dans la cour…, le jeune homme dut attacher son cheval au portail ; personne dans la cuisine grande ouverte, si ce n’est une bande de poules qui, enhardies par la solitude, picoraient jusque sur la table. En revanche, un bruit de voix inusité sortait de la salle à manger et la conversation semblait tellement animée que le visiteur dut frapper à trois reprises pour qu’on l’entendît. Son premier regard le rassura pour Philippe : Valentine était debout devant la fenêtre, tournant le dos à la lumière ce qui ne permettait pas de lire sur son visage ; mais elle avait un air de contrainte et d’ennui. Près d’elle, Mme Michel était assise dans l’attitude de la cons-