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les conquêtes du commandant belormeau

— En voilà une aventure, disait Benoîte, à l’ordonnance ; c’est qu’il est capable de se laisser périr, notre chat.

— Non, non, mademoiselle Benoîte, laissez-moi faire, repartit mystérieusement le Breton.

Il revint, dans l’après-midi, rapportant de la cantine, unie superbe tranche de bœuf.

Or, Mlle de Batanville qui, décidément, connaissait mal les êtres masculins, avait mis Vicomte à un régime exclusivement lacté et végétarien, afin de lui tenir le poil frais et l’humeur pacifique ; mais celui-ci, gorgé de crème, de macarons et d’œufs à la neige, gardait le nostalgique souvenir de certains biftecks, qu’au temps de sa jeunesse, il avait dérobé à Benoîte. Donc Quellec, muni du morceau tentateur, gravit les échelons.

Les clameurs de Vicomte devinrent épouvantables et il s’enfuit dans le recoin le plus obscur.

Sans se déconcerter, l’ordonnance déposa son offrande, au seuil de la chatière.

Vicomte aperçut le papier évocateur ; son odorat saisit des émanations connues ; son entêtement, sa misanthropie entrèrent en lutte avec sa gourmandise et furent vaincus. En rampant, il s’avança sur le plancher ; puis avec une grimace effroyable à l’adresse de son bienfaiteur et un coup de patte d’une agilité déconcertante, il se saisit du bifteck et l’emporta, tout en grognant frénétiquement, au plus profond du grenier.

— Il l’a pris, mademoiselle Benoîte, il l’a pris cria Quellec, fier de son premier succès !

— Oui, mais vous ne l’avez pas pris, lui, remarqua la servante, désappointée.

— Ça viendra, mademoiselle Benoîte, je recommencerai demain.

Quellec fit si bien que, non seulement, la paix fut signée, mais qu’une tendre amitié suivit.