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les conquêtes du commandant belormeau

disparut un beau jour en emmenant la jolie et folle Élisabeth. La chute de cette enfant charmante fut, pour M.  de Batanville, un coup dont il ne se releva point. Regrets amers, remords cruels, indignation véhémente déchiraient son cœur et il prit en haine le monde qu’il avait aimé.

Mlle  Herminie n’avait rien deviné du roman qui se déroulait à ses côtés ; peu compréhensive des entraînements de la passion et des faiblesses d’un jeune cœur, elle ne comprit jamais parfaitement l’aventure de sa cadette, mais elle se plia, avec un acquiescement complet, à la nouvelle manière d’être de son père.

À la mort de ce dernier, Herminie ne changea rien à sa vie et puisque la honte et la douleur étaient entrées dans la maison, par un homme, elle les enveloppa tous de la même défiance et leur tint obstinément sa porte close.

L’âge aidant, d’un sentiment compréhensible, la vieille demoiselle avait, tout doucement, glissé à la manie. Benoîte, imprégnée des idées hostiles de sa maîtresse, traitait de haut avec le jardinier, le boulanger et le boucher ; les retenant au seuil de sa cuisine, qu’il lui fallait ensuite tenir ouverte, pour en chasser l’odeur de bière et de tabac qu’ils apportaient avec eux.

Mlle  de Batanville ne faisait d’exceptions que pour son curé et son notaire qu’elle recevait, une fois l’an, avec un cérémonial rigoureusement établi.

M.  le curé jouissait, naturellement, de privilèges particuliers ; il avait droit à un fauteuil au coin de la cheminée et à une demi-heure d’audience, pendant laquelle il lui était loisible d’exposer les besoins de son église et de ses pauvres.

Mlle  Herminie garnissait généreusement son escarcelle ; après quoi, le clocher, se fût-il effondré, ou les protégés du saint homme fussent-ils menacés de