INTRODUCTION
Peu de temps après la mort de Nadaud, en conclusion d’une étude sur le chansonnier, le P. Delaporte joignait à un jugement assez sévère un espoir bienveillant : « Nous ne saurions recommander à personne, écrivait-il, les recueils complets de Nadaud. Nous formons des vœux pour un recueil expurgé, choisi, qu’on laisserait impunément entre toutes les mains, sur toutes les tables. Il n’aurait pas de peine à être excellent, mais il est à faireI. » Si l’appréciation était autorisée, le souhait l’était aussi. C’est ce souhait que l’on a retenu et que l’on a tenté de réaliser par cette nouvelle publication.
A vrai dire, c’était entreprendre une besogne un peu osée. Il est fort critique et même périlleux d’effacer quelque chose dans l’œuvre d’un écrivain qui est un artiste impeccable, un « auteur ». Il faut songer aussi que partout se rencontrent des lettrés qui connaissent par cœur des morceaux entiers de cette œuvre. Il est impossible de laisser tomber tantôt une strophe, tantôt quelques mots et plus loin quelques vers, sans atteindre le poète-chansonnier et ses admirateurs.
Nous avons cependant l’audace de prétendre que Nadaud lui-même n’aurait pas rejeté un pareil procédé. Et nous en avons la preuve dans les retouches légères qu’il fit pour les dernières éditions de ses chansons. Ses livres pouvaient tomber entre les mains de lecteurs cherchant seulement à se former : il entendait bien les respecter d’autant plus qu’ils étaient plus jeunes. Henri de Bornier — qui laissait voir à Nadaud celles de ses œuvres qu’il préférait, — déclare dans une dédicace à sa fille qu’il faut que « Nos livres puissent sur la table
Aux yeux de tous rester ouverts. »
Nous avons adopté cette maxime du très digne auteur de la Fille de Roland, et nous avons écarté méthodiquement tout ce qui, dans ce livre, aurait pu seulement inquiéter une âme ou troubler un cœur d’enfant.
I. Les Études, 15 janvier 1894.
Pages choisies de Nadaud. *
