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Deviner ce muet langage
Qui semblait le parler des dieux,
Lorsque tes bras cabalistiques
Lançaient à l’horizon blafard
Les mensonges diplomatiques
Interrompus par le brouillard.

Maintenant, en une seconde,
Le Nord cause avec le Midi ;
La foudre traverse le monde
Sur un brin de fer arrondi.
L’esprit humain n’a point de halte,
Et tu restes debout et seul,
Ainsi qu’un chevalier de Malte
Pétrifié dans son linceul.

Tu te souviens des diligences
Qui roulaient jadis devant nous,
Portant écoliers en vacances,
Gais voyageurs, nouveaux époux.
Tu ne vois plus, au clair de lune.
Aux rayons du soleil levant,
Passer tes sœurs en infortune,
Qui jetaient leur poussière au vent.

Ainsi s’éteignent toutes choses
Qui florissaient au temps jadis :
Les effets emportent les causes :
Les abeilles sucent les lis.
Ainsi chaque règne décline.
Et les romans de l’an dernier,
Et les jupons de crinoline.
Et les astres de Leverrier.