Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impénétrable à sa jeune femme elle-même, il a ouvert son cœur avec sa porte à l’inconnu, lui offrant le partage de sa détresse, — on fera comme on pourra ! — lui confiant ses déceptions, ses angoisses, ses espoirs, lui confessant tout, croyant à lui et en lui, l’aimant, le faisant son hôte : — HOTE ! mot si grand qu’il suffit à lui seul pour embrasser à la fois et celui qui reçoit et celui qui donne…

Alors cette boutique morte a semblé un instant vivre : on a revu battre cette petite porte du fond, derrière le comptoir, sur laquelle est écrit un peu ambitieusement : laboratoire, — laboratoire bien intermittent et même déserté, malgré la formelle injonction de la loi, — la loi à laquelle on est ici comme ailleurs tout disposé à tirer révérence. Ma foi, pour ce qu’elle y rapporte !

Mais ce n’était là pour le nouveau venu qu’un pis-aller momentané : le temps de toucher terre pour reprendre pied et aller plus loin, plus haut. Où souffle la bise, le nomade indifférent ne s’affale pas, non plus que le rat ne reste au navire qui sombre.

L’épreuve, au surplus, d’heure en heure plus dure, touche à sa fin. Les coups suprêmes se précipitent avec accélération de vitesse comme en toutes chutes des corps. Le combat des papiers timbrés en est à ses dernières cartouches. Par plus d’un soir, il s’est fait tard quand le zingueur apporte du faubourg sa « journée » pour faire bouillir le pot. —