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propriétaires la peine de faire la loi eux-mêmes si elle ne les mettait au-dessus d’aussi misérables détails.

Le pharmacien à été désarçonné au premier choc. Éperdu sous la rapidité de l’effondrement, il a lâché pied du coup et cherché ressource ailleurs, flairant de gauche et de droite, principalement, comme tous les affamés, du côté de la viande creuse. Désespéré du possible, il court l’invraisemblable par les champs de la Chimère. Il est venu grossir de sa stérile unité le monde aléatoire et interlope qui, comme ont osé dire les impudents, « améliore l’élève du cheval en France », en gueusant le petit écu du côté de la carotte au pari.

Un incident en cette monotonie.

Par les cafés borgnes et les cavernes en arrière-boutiques où cette race malsaine se repère, notre pharmacien errant a rencontré un autre pauvre diable plus misérable encore que lui peut-être, un jeune élève pharmacien en quête d’une place, d’un gîte, de pain, en quête de tout. Alors, chose inattendue, ce qui semblait à jamais à triple tour fermé chez l’Aveyronnais s’est tout seul ouvert : la douce, chaude pitié a tout d’un coup amolli cette âme figée, attendri cette pierre. Celui-là qui n’eut jamais un épanchement vis-à-vis des siens, qui reste obscur,