Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anciens pigeons promus émouchets ; — ou bien le pharmacien est chez l’huissier pour demander « du temps », — ou encore à la brasserie, tanière de l’escompteur louche…

De cette boutique où on ne vend pas et où il n’y a rien à vendre, de ce comptoir qui n’a d’argent ni à recevoir ni à rendre, de ce pharmacien bookmaker et de cette femme lamentablement désœuvrée qui pourrait se mettre ailleurs pour lire ses mauvais romans, — l’explication ?

Elle est simple.

L’homme et la femme nous viennent comme tant d’autres d’un département quelconque : ceux-ci, du fond de l’Aveyron. L’homme, fils de paysans, a fait cahin-caha ses études au séminaire. L’ambitieux amour de la mère et du père a subi, a cherché, inventé les privations dernières, héroïques, pour pousser au delà du souffle, pousser plus loin, pousser encore le fils qui est leur orgueil et dont ils attendent leur gloire : il sera médecin ! — Quant au cadet, ce second venu n’a été pesé bon qu’à faire un artisan. Celui-là, en réalité plus obtus encore et que l’étude sommaire n’a même pas aidé à dégrossir, on l’a mis plombier, — dans le zinc et la « couverture », — et ça suffit, l’ainé ayant, comme on dit, tout pris pour lui.