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le bon français. — Je n’avais jamais reçu une seule leçon de dessin : les milliers de pochades publiées au-dessus de l’N se chargent trop explicitement de l’aveu. Je m’en tenais à une attraction, peut-être à une certaine aptitude native, plus que limitée sur le terrain d’esthétique, et à une fécondité assez inépuisable de motifs et légendes en ces heures de politique militante.

Se passer de savoir et de talent était donc possible par l’indulgence de ces temps si différents de ceux d’aujourd’hui, où tout le monde a du talent ; mais encore fallait-il répondre à l’inexplicable et nutritive faveur des éditeurs et du public. Or, la demande débordait notre production. L’art n’ayant absolument rien à voir par ici, partant toute gloriole hors mise, la camaraderie du crayon avait fini par créer une sorte de raison sociale, un syndicat, comme on dirait à présent, ayant pour marque de fabrication cet N. prolifique dont je me trouvais l’éditeur responsable et que l’on retrouve foisonnant dans tous les illustrés « pour rire » de l’époque. De réels artistes, Nanteuil, Gavarni, Couture, Voillemot, Bayard, Foulquier, Darjou, Béguin, Prevost et autres encore, passant parfois vers notre atelier, ne dédaignèrent pas d’y laisser leur trait de crayon et quelques-uns même s’y attardèrent.

Lorsque vint à nous traverser l’idée de ce Panthéon Nadar qui devait contenir en ses quatre