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la cité telle que nous la rêvons… —), — n’ayant pas même les vivres du soldat qui nous eussent été doux, mais que personne ne pensa à nous offrir et que nous ne savions pas demander, — nous nous trouvions, ces premières heures, de fait, en chair et en os, le réel « Directeur » de la Poste centrale, section des départs, — c’est-à-dire de la Poste tout entière puisqu’il n’y avait pas d’arrivées.

C’était à nous, en effet, — à nous seul, — et à quel autre donc, à cette heure ? — que s’adressaient en toute instance, directement ou sur présentations recherchées, les recommandations de lettres de nos plus hauts personnages, hommes politiques, magistraits, gros financiers, des Rothschild comme des Percire, et surtout — renversement bizarre et retour des choses d’ici-bas ! — nos directeurs de chemins de fer mis à pied et en grève forcée pour l’instant, — tous nous suppliant de confier leurs missives à la sacoche de l’aérostier par nous désigné pour le départ du jour. J’ai gardé bonne partie de cette correspondance, assez curieuse à revoir aujourd’hui. — Que dire de plus : en tête de ces éminents solliciteurs plus pressé et empressé que tous les autres ensemble, c’était le Directeur des Postes lui-mème, le titulaire, l’officiel, le vrai, puisqu’il était, Lui, l’homme aux honoraires, — qui accourait me demander d’insérer ses épîtres de famille dans le portefeuille personnel de mon équipier…