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satisfaction patriotique d’organiser et d’inaugurer le service de la poste aérienne en lançant par-dessus les lignes allemandes le 25 septembre, le premier de nos ballons-poste, le Weptune, monté par Duruof[1].

D’autres départs de ballons se succédèrent bientôt presque quotidiennement[2], emportant par pleins sacs et ballots bondés les chères nouvelles aux familles lointaines. Ce fut pour nos assiégés à la fois un soulagement et un encouragement.

Ce mode de déjouer l’investissement ne fut pas d’autre part du goût des Prussiens qu’il sembla désappointer au delà de ce qu’on eût pu supposer. Leur menace d’assimiler à l’espion et de fusiller sur place chaque aérostier qui tomberait sous leurs mains,

  1. Un souvenir tout spécial est dû à ce brave garçon, avant tout autre choisi par moi pour ce premier départ qui ne devait être confié qu’à un homme très sûr et expérimenté.
    Il s’était une fois déjà à demi noyé au cap Gris-Nez avee ce même Neptune qui nous servait faute d’autre, depuis nombre de jours, pour nos ascensions captives, — tellement ruiné, à jour, et desséché qu’il était devenu friable et qu’à la descente, selon l’expression de Duruof, les doigts entraient dedans entre chaque maille « comme dans du plaisir ».
    Tout fier et joyeux de partir premier, même dans ces périlleuses conditions, Duruof sacrifia à cet honneur, sans une secondé d’hésitation, sa moitié dans les bénéfices de la fabrication des Ballons-Poste dont j’avais conclu le trailé l’avant-veille avec l’administration, au profit de mes deux aides. Cette moitié de bénéfices était son unique fortune.
  2. Il y eut même des doubles départs simultanés ; ainsi le jour où Gambetta se décida enfin à se laisser enlever par nous, — ce jour-là n’étant plus un vendredi.