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envahit, qui pourrait être agréable si elle n’était autant violente : nous passons sous le laboratoire d’un parfumeur. Cette odeur, un souvenir de jasmin gâté par du patchouli (l’un des pseudonymes de l’horrible musc artificiel dont l’Allemand tire de la houille les puanteurs), sera la seule qu’il nous aura été donné de constater dans tout notre trajet par cet exutoire des infinies putridités d’une grande capitale, grâce à la ventilation parfaite et au système de vannes mobiles, wagons ou bateaux, qui entretiennent dans ces cloaques une évolution permanente : le « circulus » de la boue. Pourtant il ne faudrait pas trop s’y fier ; le poison, pour être latent, n’en demeure pas moins le poison. Le microbe ici tient ses États, règne et gouverne.

Mais loin, bien loin devant nous, un point lumineux apparaît, qui s’avance avec un fracas de typhon : de là le signal des trompes retentit. C’est un autre convoi qui vient sur nous et la voie n’est pas double. Par la collision, un déraillement dans ces ignominies serait horrible ! Heureusement, à notre contre-appel, l’ennemi ralentit sa marche. Nous nous trouvons justement, par les dispositions prises, arrivés sur un angle de dérive : notre wagon oblique à droite par une plaque tournante, et nous reprenons à toute vitesse notre itinéraire.