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984 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

œuvre, c'est sa vie ; et il se montre en elle, lui aussi ; il s'expose au beau milieu de tout ce qu'il fait. Derrière chacun de ses actes on voit la réflexion qui l'a commandée ; elle est encore là ; on peut l'examiner, la tâter pour se rendre compte. Et le sage ne dédaigne pas d'expliquer aux specta- teurs comment il faut s'y prendre pour agir comme il a fait. S'il en est qui se laissent convaincre à ses paroles et deviennent ses disciples, c'est par enthousiasme pour sa haute volonté, pour son grand caractère : ils acceptent la sagesse, parce qu'elle est un des signes du génie de l'homme, une forme de sa domination sur la nature, la victoire sur la chair.

Mais hélas ! comme toutes les inventions hu- maines, elle est terriblement sujette aux accidents. Elle est un exercice, un " travail " d'équilibriste qu'il faut réussir. On ne peut le manquer sans ridicule. Il n'a de sens que si on le mène à bout sans un accroc. Or il est si difficile, si contraire à la nature qu'il est presque impossible de ne le pas man- quer. — La sagesse, c'est d'abord la constance; être sage, c'est se ressembler toute sa vie ; les philoso- phes prescrivent comme premier devoir l'unifor- mité dans la conduite. Mais il n'y a qu'un moyen de ne se démentir jamais : rester immobile, ne rien faire, se priver de tout. Vivre, c'est ne plus être pareil à soi, c'est ne plus se reconnaître. Par suite, pour rester pareil à soi, il faut refuser de vivre^

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