Page:NRF 8.djvu/987

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE LA FOI 979

même, si vil soit-il, il connaît des sentiments que les plus purs héros de Stendhal ne savent pas éprouver : comme nous nous joignons à lui, de même il se joint aux autres par l'amour. La marque que Dieu a laissée en lui est comme une blessure qui ne se fermera jamais ; il y a des moments où il ne peut plus contenir son âme ; elle cherche à fuir comme le sang. Cet homme rencontre un homme ; ils s'arrêtent l'un en face de l'autre sur le palier d'un escalier ou sur le seuil d'une auberge ; ils se regardent. " Peut-être ne se ressemblent-ils pas... Alors c'est quelque chose de plus fort : le signe obscur de la parenté, le lien secret d'origine, la trace du mélange et de la con- fusion primordiale. " ^ Voici qu'ils se reconnais- sent ; ils sont frères en Jésus-Christ ; la charité remonte en eux tout-à-coup, qui est " l'amour du prochain comme de soi-même pour Vamour de Dieu ", la charité comme une vague horrible par quoi l'on est jeté hors de soi, comme une abjura- tion et un arrachement de tout l'être. Enfin ils se prennent les mains, et il n'y a plus rien entre eux, et ils disent en même temps les mêmes choses avec les mêmes mots. Car Dieu s'est ravivé en eux ; il est avec tous deux à la fois et sa paix infinie va et vient entre leurs âmes, les unissant

��Jacques Copeau : Sur le Dostoïevski de Suarès. Voir La Nowvelle Revue Française du i" février 19 12, p. 231.

�� �